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Dumas et le roman

 Le roman historique avait le vent en poupe car il répondait aux besoins d'une époque sevrée de grandeur et d'événements, privée des coups de théâtre de l'Empire.  "L'imagination des jeunes hommes de 1820 ressemblait à un palais vide qui aurait au mur de beaux portraits d'ancêtres". 

Dumas, mieux que quiconque, allait donner vie à ses portraits. 

 Il commence à lire, assez naïvement, puis avec passion, une Histoire de France. C'est le début de sa fabuleuse carrière de romancier.

Il n'était ni un érudit, ni un chercheur. Il aimait l'histoire mais ne la respectait pas. Il disait  

"Qu'est- ce que l'histoire ? C'est un clou auquel j'accroche les romans".

Il pensait qu'on avait le droit de prendre avec elle certaines libertés, de la violer,

"si on lui faisait de beaux enfants."

  Pour lui, le roman est un leurre pour piéger l'Histoire et la rendre vivante, compréhensible.

 Il ne possédait pas la patience nécessaire aux travaux d'érudition, il voulait réduire les recherches au minimum. Le hasard opéra la jonction de son génie avec les qualités plus modestes mais précieuses d'Auguste Maquet, un ami de Nerval.

 

 

 

 

 

 

Maquet confia à Dumas l'esquisse d'un roman qui racontait l'histoire de la conjuration de Cellamare, ourdie contre le Régent pour aider aux prétentions à la couronne de la duchesse du Maine.

Dumas réécrivit le livre de Maquet et lui donna  pour titre"Le chevalier d'Harmental". Il aurait laissé volontiers le jeune homme signer avec lui mais Emile de Girardin refusa : "un feuilleton signé Alexandre Dumas vaut 3 francs  la ligne, signé Dumas et Maquet il vaut 30 sous".Ce fut un grand succès. 

 

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Emile de Girardin          

Dumas comprit qu'il tenait là une mine d'or. Les lecteurs de journaux suivaient les feuilletons, avec passion. L'important est de les "accrocher" dès le début. Ce que fit Dumas, qui, tout en marquant fortement ses personnages, sautait immédiatement en pleine action dialoguée.

Quant à l'art de suspendre l'action au point le plus haletant avec la mention "la suite au prochain numéro", il le possédait pleinement, il en jouait à la fin de chaque acte de ses drames.

 Dumas ne fut pas seulement un grand romancier, il fut un créateur de mythes dont les plus célèbres restent ses mousquetaires et Monte-Cristo.

    

 Les trois mousquetaires 

 Quand Maquet lui présenta le plan d'un livre sur le temps de Richelieu, d'Anne d'Autriche et de Louis XIII, il fut enthousiasmé.

Qui avait le premier découvert les "Mémoires de Monsieur d'Artagnan", en fait  des mémoires apocryphes, écrits par Gratien de Courtilz ?

Maquet soutient que ce fut lui mais une fiche de la Bibliothèque de Marseille prouve qu'A. Dumas emprunta ce livre en 1843 et ne le rendit jamais.

Il commença Les trois mousquetaires en 1844. 

 

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Avec des collaborateurs Dumas avait une méthode de travail à peu près constante.

Le collaborateur bâtissait un scénario, Dumas lisait "avec avidité "et se servait ensuite de ce premier texte comme d'un brouillon. Il réécrivait, ajoutait mille détails qui donnaient de la vie, refaisait les dialogues, soignait les fins de chapitres et allongeait le tout pour répondre aux exigence du feuilleton qui devait durer des mois et tenir le lecteur en haleine. 

  Il introduisait de nouveaux personnages, comme le taciturne valet Grimaud qui ne répondait jamais que par un mot; artifice fort ingénieux car les journaux payaient à la ligne.

Jusqu'au jour où La Presse et Le Siècle décidèrent de ne plus considérer comme des lignes celles qui ne dépasseraient pas la moitié de la colonne.

 Un ami le vit relire son manuscrit et biffer des pages entières.

-" Que faites- vous, Dumas ? 

- Eh bien je l'ai tué "

 - Qui donc?

- Grimaud. Je ne l'avais inventé que pour les bouts de ligne. Il ne me sert plus à rien. "

Que Maquet ait beaucoup travaillé aux Trois Mousquetaires, la chose est prouvée., 

en particulier par leur échange incessant de billets. Mais c'est Dumas qui menait le jeu. 

C'est lui qui a donné vie à d'Artagnan, ce Gascon courageux, bretteur, au grand coeur, au bon et vaniteux géant Porthos, à Athos, grand seigneur mélancolique, déjà  romantique, à Aramis, ambigu et si discret sur ses amours.

 Quatre amis, et non pas quatre frères comme l'avait imaginé Courtilz. 

                                          

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                                                                                         Le vrai (?) d'Artagnan

Qui ne connaît la devise célèbre qui unit ces jeunes hommes :

"Un pour tous, tous pour un."

et leurs aventures pour sauver l'honneur de la reine, l'assassinat du duc de Buckingam, le châtiment de la perfide Milady, épouse d'Athos, la tendre Constance Bonacieux. 

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Vingt ans après fut commencé en 1845.

Le roman se déroule en 1646. Les quatre amis ne sont pas revus depuis 20 ans. La Fronde menace.

 Dumas, qui s'était battu pendant les Trois Glorieuses, s'en souviendra pour décrire pour décrire le soulèvement de Paris.

 D'Artagnan et Porthos sont recrutés par le cardinal Mazarin, Athos et Aramos rejoignent le camp des rebelles. Ce qui ne les empêchera pas de renouveler leur serment d'une amitié éternelle.

 

                                      .


Avec la parution du troisième roman Le vicomte de Bragelonne, assez mélancolique, s'achève l'épopée des Trois mousquetaires.

Ses héros ont beaucoup vieilli. D'Artagnan, le plus jeune, est devenu capitaine des mousquetaires; il  a 50 ans. Porthos est baron, Aramis, de plus en plus puissant, est devenu évêque de Vannes.  
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Athos meurt de chagrin en apprenant la mort de son fils, Bragelonne, désespéré par la trahison de sa fiancée devenue la maîtresse du roi.

Porthos, lors de l'assaut des forces du roi, à Belle-IIe, meurt, écrasé sous d'énormes blocs de roc. D'Artagnan est tué au cours d'une bataille.

Il tient à la main le bâton de maréchal qui vient trop tard, récompenser sa bravoure et sa loyauté.

Seul demeure Aramis, le plus ambigu des mousquetaires. On ne gagnera plus désormais l'attention du roi par les exploits que par l'intrigue et la flatterie.

 C'est chez Madame de La Fayette qu'il a trouvé le récit des intrigues et des amours du jeune roi avec la tendre Louise de La Vallière.

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  Les personnages historiques sont peints avec un parti- pris affirmé de l'auteur. Il aime  ses personnages ou les déteste.

Son Mazarin est antipathique, l'auteur prend fait et cause pour Fouquet contre Colbert.

L'histoire exigerait plus de nuance. Qu'importe! Le lecteur de feuilletons aime qu'un caractère soit blanc ou noir. Mais surtout, et c'est là son secret, Dumas introduit des personnages secondaires qui sont bien à lui et explique les grands événements de l'Hstoire par l'action de ces inconnus.

Ses héros imaginés sont toujours présents aux moments cruciaux de l'histoire réelle. Athos se trouve sous l'échafaud où Charles Ier Stuart va être exécuté et recueille ses dernières paroles.

Àthos et Aramis rétablissent, à eux deux, Charles II sur le trône d'Angleterre.

Aramis tente de substituer à Louis XIV un frère jumeau du jeune roi qui deviendra Le Masque de fer. L'Histoire se trouve ramenée au niveau des personnages aimés, familiers, et du même coup au niveau du lecteur.

La méthode est infaillible mais il faut pour cela que l'auteur ait le riche tempérament de Dumas, qui se divise pour engendrer ces quatre héros; Porthos, c'est la force qu'il tient de son père, Aramis, Athos, c'est l'élégance des Davy de la Pailleterie. 

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                                       Athos, Porthos et Aramis

 

La popularité universelle des Trois mousquetaires montre que Dumas, en exprimant sa propre nature à travers ses héros, répondait à un besoin d'action, de force, de générosité qui sont de tous les temps et de tous les pays.

 

   Le Comte de Monte-Cristo

Le document

C'est à partir d'un document, recopié par un certain Jacques Peuchet, et découvert dans les archives de la Police que Dumas trouva le sujet de son roman le plus célèbre.

On peut aisément constater qu'il n'a rien inventé.

 Ce document raconte qu'en 1807, un jeune cordonnier, François-Pierre Picaud, fort joli garçon, fut victime d'une farce dramatique. Le jour de Carnaval, il se rendit dans un café tenu par un de ses amis, comme lui originaire de Nîmes, Mathieu Loupian, où il retrouva trois compatriotes du Gard.

Il venait leur annoncer son prochain mariage avec une orpheline très belle, riche et qui l'aimait.

Les quatre amis furent abasourdis par la chance du cordonnier.

La noce, leur dit-il, était fixée au mardi suivant. Loupian, jaloux, décida de faire retarder le mariage. Il se proposait de déclarer au commissaire qu'il soupçonnait Picaud d'être un agent des Anglais; on l'interrogera, il aura grand peur; "le mariage sera remis."

La police de Napoléon ne badinait pas avec les crimes politiques.

Antoine Allut, l'un des trois Nîmois, dit alors :"C'est un mauvais jeu". Les autres trouvèrent l'idée plaisante. "Il faut bien s'amuser à Carnaval."

Loupian mit son projet à exécution. Or, le commissaire, trop zélé, fit un rapport au ministre de la police, Savary, duc de Rovigo.Picaud fut accusé d'être un agent secret de Louis XVIII.

 Le malheureux jeune homme fut enlevé dans la nuit. Il disparut et on n'entendit plus parler de lui. Ses parents et sa fiancée entreprirent des recherches, puis se résignèrent.

A la chute de l'Empire, un homme, vieilli par la souffrance, sort de la forteresse où il était emprisonné depuis 7 ans. C'est François Picaud, méconnaissable. Il semble avoir 50 ans. 

En captivité, il a soigné avec dévouement un prélat italien, Baldini, détenu politique. Avant de mourir, il lui a légué ses biens, en particulier un trésor caché à Milan: ducats, diamants, florins de Venise, guinées anglaises, louis d'or, monnaies françaises.

A sa sortie de  prison Picaud cherche le trésor, le trouve, le met en sûreté, puis sous le nom de Joseph Lucher retourne à Paris dans son ancien quartier.

Il demande ce qu'est devenu le cordonnier qui, vers 1807, allait se marier  avec une  riche demoiselle.

On lui apprend qu'une farce de Carnaval, faite par quatre mauvais garçons, a causé sa  perte. Sa fiancée l'a pleuré deux ans, puis, le croyant mort, a épousé Loupian, veuf et père de deux enfants.

Picaud s'informe des noms des autres responsables. On lui répond de se renseigner à Nîmes auprès d' Antoine Allut. 

Picaud, déguisé en prêtre italien, l'abbé Baldani, se rend à Nîmes pour rencontrer Allut.

  En échange d'un diamant, ce dernier livre les noms des trois autres complices. Quelques jours plus tard, vêtu d'habits râpés, Picaud se présente sous le nom de Prosper au café. tenu par Loupian qui l'engage comme un garçon limonadier.

Parmi les habitués du café, il reconnaît les deux Nîmois dénoncés par Allut.

Un jour, l'un d'eux, Chambard, ne vient pas. On apprend que la veille, à 5 heures du matin, il a été poignardé sur le Pont des Arts. Sur le manche du couteau resté dans la blessure, on lit numéro 1.

Loupian, de son premier mariage avait eu un fils et une fille. Cette dernière, à 16 ans, est d'une angélique beauté. Un dandy, qui se prétend marquis et millionnaire, la séduit. Elle est enceinte et doit avouer sa faute, mais les Loupian pardonnent  facilement, et même avec joie, car le séducteur est gentilhomme et prêt à épouser la demoiselle.

Ìl l'épouse civilement et religieusement mais entre la cérémonie et le repas de noces, on découvre que le marié s'est enfui.

C'était un forçat libéré; ni marquis, ni millionnaire. Le dimanche suivant, la maison de Loupian, à la fois domicile et siège de leur affaire, est détruite par un mystérieux incendie.

Seul lui reste son ami Solari mais il meurt empoisonné; sur le drap noir qui recouvre le cercueil, on trouve épinglé un papier portant en caractères imprimés: numéro 2.

Le jeune Eugène Loupian, fils du cafetier, est un garçon sans force de caractère. De mauvais sujets, venus on ne sait d'où, s'emploient à le débaucher. Il est compromis dans une affaire de vol avec effraction et condamné à 20 ans de prison.

Les Loupian touchent le fond du déshonneur et du désespoir.

 Ils ont tout perdu: fortune, réputation, bonheur. La belle Mme Loupian, l'ex- fiancée de Picaud, meurt de douleur et comme elle n'a pas donné d'enfant au cabaretier, tout ce qui reste de ses biens revient à sa famille.

Loupian est totalement ruiné, aux abois.

Prosper, son garçon limonadier, lui offre toutes ses économies en échange de Thérèse, la superbe fille de Loupian et femme du galérien en fuite. 

Thérèse accepte le marché.

Les malheurs de Loupian l'ont rendu à demi-fou. Un soir, dans le jardin des Tuileries, il rencontre un homme masqué qui s'adresse à lui: 

"Te rappelles- tu 1807 ? - " Pourquoi? " - "C'est l'année de ton crime." -"Quel crime? "-"Ne te souviens - tu pas d'avoir, par jalousie, fait mettre au cachot ton ami Picaud ?" - Ah  Dieu m'en a puni bien rigoureusement "-"`Non pas Dieu, mais Picaud qui, pour assouvir sa vengeance,  a poignardé Chambard, empoisoné Solari, brûlé ta maison, déshonoré ton fils et donné à ta fille un forçat pour époux.

 Picaud le tue et pose sur le cadavre une feuille sur laquelle est inscrit numéro 3.

Mais au moment où il va sortir des Tuileries, on le saisit, le baillonne. A la faveur de la nuit, on l'emporte et on le jette dans une cave. Il se retrouve devant Antoine Allut qui lui dit:

    -"Tu  as passé 10 années de ta vie à poursuivre trois misérables que tu aurais dû épargner. Tu as commis des crimes horribles et je suis ton complice car c'est moi qui t'ai vendu le secret de ton malheur. Je t'ai suivi dans tes forfaits, j'ai fini par comprendre qui tu étais. J'étais venu à Paris pour tout révéler à Loupian. Le diable t'a donné une minute d'avance sur moi.

Il le tue. 

En 1828, Allut, gravement malade, fait venir un prêtre à son chevet et lui dicte un récit détaillé de ces terribles aventures en l'autorisant à le communiquer après sa mort à la justice française.

Les dernières volontés du mourant ayant été exécutées par son confesseur, le précieux document se trouva déposé aux Archives de la Police où Jacques Peuchet put en prendre connaissance.


Y a - t- il un plus beau sujet  que celui du Justicier qui répare les maux causés à des innocents?

Un redresseur de torts? La victime qui se venge.

L'intrigue était toute faite et Dumas était déjà fort avancé dans son travail quand il en parla à Maquet; ce dernier objecta qu'il n'avait pas tiré parti des amours du jeune homme avec la Catalane, de la trahison ourdie par les trois complices, des dix années de prison avec l'abbé Faria-Baldini.

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 L'abbé Faria                                                                     L'abbé Faria trace sur le sol le plan que devra suivre Dantès                                                                             après son évasion 

 

Dumas trouva l'avis fort judicieux et le suivit avec génie.

Il battit un plan en trois parties bien distinctes: Marseille, Rome Paris. Il dédoubla le personnage de Loupian, dont il fit Fernand et le traître Danglars. Le commissaire devint le magistrat Villefort qui voyait, dans la perte de Dantès, un moyen d'avancement.
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 Après son évasion, Dantès, comme Picaud, portera des masques successifs pour mener à terme sa vengeance.

Il romance l'épisode véridique du mariage de la fille de Loupian avec un forçat évadé du bagne de Toulon, faussaire et escroc.

Il en fait Benedetto, le fils adultérin de Villefort que le père avait cru faire disparaître à sa naissance. 

 A partir de l'histoire véridique, on comprend avec quelle maîtrise, avec quel génie, Dumas utilise ses sources.

En effet, Picaud, dans la poursuite de sa vengeance avait été cruel, il était criminel. Mauvais départ pour un héros populaire.

Dantès sera un Justicier mais non un féroce meurtrier. Picaud assassinait lui - même ses persécuteurs. Dantés se venge par un mécanisme implacable mais il n'a pas les mains tachées de sang.

Mais surtout, il a eu ce coup de génie le nom de Monte-Cristo qui devait se fixer à tout jamais dans les mémoires.

 

                     

                       

  Pour éclairer un peu ce sombre drame, Dumas imagine une maîtresse orientale, la belle Haydée, fille du pacha de Janina.

A la fin du livre, Dantès, saturé de vengeance, épargne la fille de son ennemi. Il la dote. Mademoiselle de Villefort épousera celui qu'elle aime, le fils de Morel, le seul ami qui ne l'avait jamais oublié.

 Mais quand les deux jeunes gens veulent remercier Monte -Cristo, leur bienfaiteur, et qu'ils demandent à Jacopo, son marin, " où est le comte ? "Où est Haydée ?

 

"Jacopo étend la main vers l'horizon. Les yeux des jeunes gens se fixèrent sur la ligne  indiquée par le marin ... ils aperçurent une voile blanche, grande comme l'aile d'un goéland."

Ainsi voit- on, dans les westerns, le héros justicier qui, après avoir rendu la justice, s'éloigne dans le soleil couchant. 


 Le feuilleton mit Paris en délire. Mérimée raconte avec quel soulagement ils avaient tous appris que Dantes, jeté à la mer, avait pu sortir de son sac sain et sauf.

Le château d'If devint si célèbre que les visiteurs venaient pour voir le cachot d'Edmond Dantès

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Créer un personnage possesseur d'un trésor fabuleux, faire ruisseler diamants, émeraudes, rubis, par personnes interposées, quelle joie pour Dumas ! 

Faire de ce personnage un Vengeur engagé dans une grande cause, pouvait être aussi une subtile compensation pour l'écrivain qui, malgré son succès,  ou à cause de son succès , avait de nombreux ennemis qui l'humiliaient.

 L'écrivain avait bien des griefs secrets contre la société. Son père avait été une victime. Lui-même était harcelé par les créanciers, calomnié par des maîtres chanteurs. Souvent blessé par les remarques racistes dont on l'abreuvait plus ou moins ouvertement.

Les biographes de Dumas ont souvent relaté un incident qui se déroula dans un salon Un de ses ennemis tient des propos racistes. Dumas ne bronche pas. L'odieux personnage s'adresse alors à lui

"Au fait, mon cher maître  vous devez vous y connaître en neigres avec tout ce sang noir qui coule dans vos veines ".

Brusquement, tout le monde fait silence. Dumas, sans élever la voix, réplique:

"Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand père était un nègre et mon arrière- grand père un singe. Vous voyez, Monsieur, ma famille commence où la vôtre finit"

Bref, Dumas partageait avec bien des humains, injustement traités, une soif de vengeance, de justice. L'écrivain compensait, dans cette fiction réparatrice, les iniquités du réel. 

 Le succès engendre un monde d'ennemis.

Dumas irritait par sa faconde, par sa hâblerie, ses décorations, ses gilets extravagants. 

En 1845, un pamphlétaire, Eugène de Mirecourt, publia " Fabrique de romans: Maison Dumas et Compagnie" qui fit grand bruit.

Il n'est pas sans intérêt de savoir, que Mirecourt, avant d'attaquer Dumas, s'était offert à travailler avec lui. Bref, il eût volontiers participé à l'entreprise s'il avait pu.

 

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Eugène de Mirecourt 

 

Mirecourt adressa tout d'abord sa plainte à la Société des gens de Lettres.

Éconduit, il écrivit, en vain, à Girardin pour lui demander de fermer sa porte " au honteux mercantilisme d'Alexandre Dumas et de l'ouvrir aux jeunes de talent Mais surtout il insultait  bassement l'écrivain :" Grattez l'oeuvre de M. Dumas et vous trouverez le sauvage...Il embauche des transfuges de l'intelligence, des traducteurs à gages qui se ravalent à la condition de nègres, travaillant sous le fouet d'un mulâtre."

Peut - être cette attaque aurait-elle porté si elle avait été faite avec modération.

Mais le pamphlet était si grossier qu'il révolta même les ennemis de Dumas.

L'affaire fut portée devant les tribunaux et Mirecourt fut condamné pour diffamation à 15 jours de prison et insertion du jugement dans les journaux. Il perdit tout crédit auprès des gens de lettres. 

                                                        ***

En 1844 Ida et lui se séparent. Dans cette affaire, tous les torts ne sont pas du côté de Dumas.

Elle le trompait abominablement.

N'a-t-il pas eu, (du moins c'est  ce qu'on raconte) ) "un soir qu'il faisait trop froid dans son cabinet de travail, l'idée de profiter du feu de la chambre conjugale ? Ida dort, le nez contre le mur. Dumas écrit, courbé sous la lampe. Soudain retentit dans l'armoire un éternuement. Alexandre se lève d'un bond, ouvre l'armoire et découvre,transi et en chemise de nuit, son «ami» Roger de Beauvoir, l'autre témoin de leur mariage !

Dumas haussa les épaules et invita Roger à se réchauffer au feu. Et se remit au travail. Puis, comme il avait fini et que l'autre continuait à grelotter, il l'invita à prendre place dans le lit où dormait, ou feignait de dormir, la belle Ida. Et là, tendant la main par-dessus le «corps du délit», il dit à son « ami » :

«Allons, faisons comme les anciens Romains, réconcilions-nous sur la place publique! »

Cependant, il pria madame son épouse d'aller voir Florence s'il y était.  Ce qu'elle fit. et elle s'y installa avec un ancien amant.
Malgré son caractère acariâtre, elle avait mis de l'ordre dans sa vie.
Désormais, les liaisons vont se succéder, souvent avec de très jeunes comédiennes qu'il aide et protège même quand il ne les aime plus.

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                                  photo de Nadar 
 

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Jacqueline Baldran Maître de conférences. Paris IV
 

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